Les propositions du comité Balladur pour « rééquilibrer les pouvoirs » et « rendre la Ve République plus démocratique » ont été dévoilées fin octobre… dans une quasi-indifférence. Elles auraient pourtant mérités une vague d’indignation sans pareille de la part de tous les démocrates et républicains. Il ne s’agit pas en effet d’une réformette institutionnelle de plus. On assiste là à un véritable changement de régime.
D’un régime gaullien semi-présidentiel, on se dirige aujourd’hui vers un régime ultra-présidentiel sans équivalent en démocratie, si ce n’est celle de Russie... Derrière des dizaines et des dizaines de propositions feignant de renforcer les pouvoirs du Parlement et des citoyens se cachent en effet une révolution institutionnelle gravissime. Une constitutionnaliste, Marie-Anne Cohendet, le soulignait : « 70 propositions sont là pour masquer 7 mots assassins » : « Il (le Président) définit la politique de la nation ».
Ces sept mots consistent à modifier ensemble les articles 5 et 20 de la Constitution pour que ce soit le président qui définisse la politique de la nation et non plus le gouvernement. Ces quelques mots suffisent alors à détruire le lien essentiel qui existe en démocratie entre le pouvoir et la responsabilité. Ainsi, celui qui aurait désormais à mener la politique de la nation n’aurait plus de compte à rendre à personne. Drôle de rééquilibrage des pouvoirs !
Non content d’échapper au contrôle du Parlement, son droit de dissolution, incontestable arme d’intimidation, est conservé et, pire, est proposé de tenir le même jour le second tour de l’élection présidentielle et le premier tour de l’élection législative. L’élection des députés sera ainsi subordonnée et confondue à celle du Président, laissant la part belle à l’image sur les idées.
Clou du spectacle, est proposé que le Président de la République rende compte de son action devant la représentation nationale… sans le moindre vote sanction. Ni plus ni moins qu’un instrument digne des lits de justice de l’Ancien Régime, au bénéfice exclusif du Président.
Aussi, l’élection présidentielle, d’une importance absolue, sera encore bien plus fermée qu’actuellement. Serait ainsi substituée au système des parrainages une présélection des candidats par un collège de 100 000 élus, clairement destiné à limiter l’élection à une simple confrontation entre les « représentants des principaux courants politiques ». « Petits » courants, « petits » candidats, dehors donc ! A l’autocratie s’ajouterait donc ici le rétablissement d’un suffrage censitaire.
Le projet camouflé de la prochaine réforme des institutions est incontestablement l’avènement d’un régime césaro-autoritaire. Accepter cela, sans même demander l’avis aux français, serait une indéniable catastrophe pour notre démocratie déjà fortement malmenée par le diktat maastrichtien.
Là aussi, sur une question aussi déterminante, il faut exiger un référendum !