Culture et mémoire républicaine

 

Recherche

A propos du site

19 septembre 2008 5 19 /09 /septembre /2008 22:14

La Bataille de Valmy
Jean-Baptiste Mauzaisse (1784-1844)



Le 20 septembre 1792, devant le moulin de Valmy, une armée française formée à la hâte repousse la puissante armée prussienne. Simple canonnade, l’issue victorieuse de cette bataille n’en est pas moins décisive : l’invasion étrangère est stoppée, la restauration monarchique - de fait - écartée. Cette bataille symbolise aussi l’avènement de la Nation républicaine.

Depuis l'arrestation de Louis XVI à Varennes en juin 1791, les monarques d'Europe s’étaient pourtant bien décidés à agir pour le maintien de l’ordre monarchique et contre la menace d'une contagion révolutionnaire. Ainsi, le 27 août 1791, la déclaration signée à Pillnitz par la Prusse et l'Autriche menaçaient les Français d'une intervention armée. A Paris, les députés girondins, derrière Brissot, plaidaient pour la guerre: selon eux, il fallait prendre de court la contre-révolution pour obliger le Roi à choisir son camp et libérer les peuples opprimés d'Europe.


Le 20 avril 1792, malgré une rude opposition - notamment celle de Robespierre -, l'Assemblée déclarait la guerre au « roi de Bohême et de Hongrie ». Mais la guerre tourna très vite au fiasco, au point qu’à l’été l’invasion du territoire paraissait inévitable. Le 11 juillet, dans le fracas des armes, les députés déclarent la « la Patrie en danger » et organisent la levée des volontaires.


Dans la peur d'une attaque prussienne sur Paris avec la complicité du roi – ce que confirme une déclaration du duc de Brunswick (datée du 25 juillet et connue à Paris le 1er août), annonçant que les Alliés entreraient en France pour restaurer l'autorité royale, investiraient militairement l'Assemblée et la ville de Paris au moindre outrage envers le roi - les sans-culottes se soulèvent: le 10 août, la monarchie est renversée. C'est alors au nom d’une République – qui ne dit pas encore son nom -, et de sa liberté que le peuple en armes va faire face au péril extérieur.

Le 18 août, une armée de 150 000 hommes, autrichiens et prussiens, entrent en France. Face à eux, l’armée française est alors une armée complètement désorganisée par le départ des officiers issus de la noblesse.

Le duc de Brunswick, à la tête des troupes prussiennes, prend Longwy le 23 août et Verdun le 3 septembre, ce qui lui ouvre la route de Paris. C’est alors qu’en Champagne, les généraux Dumouriez et Kellermann, fraîchement nommés, arment des volontaires – des « sans culottes » - à la hâte. Composées aussi de soldats professionnels, leurs armées choisissent de se rendre sur le plateau de Valmy, un village de la Marne, afin de tenter de stopper la progression des Prussiens.


Le 20 septembre 1792, sur une route qui, longeant l’Argonne, va de Grandpré à Châlons, l’avant-garde de l’armée prussienne surgit du brouillard. Il est sept heures du matin, le jour se lève à peine, et il pleut à verse, comme il a plu les jours précédents.

Cette armée arrive en vue d'une butte surmontée d'un moulin, près du village de Valmy. Les Prussiens y aperçoivent les troupes françaises de Kellermann, venues de Metz. Plus loin derrière, ils aperçoivent celles de Dumouriez, venues de Sedan. Elles totalisent près de 47 000 hommes au total: des soldats issus de l’armée royale, à la tête desquels on peut trouver des aristocrates - tel le duc de Chartres, futur Louis-Philippe -, et trois bataillons de volontaires qui avaient répondu à l'appel de l'Assemblée pour sauver « la Patrie en danger ».


Face à eux, 34 000 soldats prussiens sont là. Ils forment une armée réputée pour sa discipline et pour son efficacité. Ils sont secondés par les troupes autrichiennes (30 000 hommes) et par celles des royalistes émigrés (au nombre de 6 000), positionnés un peu plus au nord. A première vue, l’issue de la bataille ne semble pas faire de doute, bien que les Prussiens, harassés par une marche pénible, harcelé en route par des groupes de paysans français en armes, et décimée par la dysenterie, peuvent partir affaiblis.

Brunswick commence par faire donner son artillerie: 54 canons crachent boulets et mitraille. Le bombardement est violent, mais les pertes ennemies sont faibles. Mieux, l’artillerie française riposte vigoureusement. Mais le feu nourri et continu finit dans l’après-midi, alors que les Prussiens s’apprêtent à passer à l’offensive, par provoquer un flottement dans les rangs français.

Kellermann, pour interdire toute panique, se précipite en tête des lignes, les fait mettre en colonnes comme s'il allait ordonner l'attaque, puis brandit au bout du sabre son chapeau orné d'un plumet tricolore et crie: « Vive la Nation ! ». De bataillon en bataillon, le mot d'ordre est repris par des milliers de poitrines, et est répété par les soldats galvanisés à mesure que la canonnade repousse les Prussiens. Retrouvant vaillance et courage, ils entonnent le fameux Chant des Marseillais (qui deviendra La Marseillaise), qui proclame le sens de leur combat.

L'ardeur retrouvée des Français surprend et déconcerte leurs adversaires. Alors qu’ils s’attendaient à une débandade de la part des sans-culottes indisciplinés, leur résistance est des plus farouches. « Sur cette toute jeune armée planait quelque chose, comme une lueur héroïque », écrira plus tard Michelet.


A seize heures, Brunswick doit se résoudre : il ordonne à ses troupes de se replier. Le lendemain, elles battent déjà en retraite vers la frontière.


Simple canonnade - il n’y aura pas plus de 500 morts -, l’issue de la bataille de Valmy n’en est pas moins une victoire décisive pour la Révolution et la toute jeune République : la première victoire des armées révolutionnaires stoppe l’invasion étrangère, écartant de fait toute possibilité de restauration monarchique. Entérinant au nez et à la barbe des coalisés européens l'insurrection parisienne du 10 août précédent, elle donne ainsi à la Révolution un caractère incontournable, inéluctable.


Valmy est aussi la victoire morale de la démocratie en armes, de la mobilisation populaire. Face à une armée de métier dressée à une discipline de fer, une armée nouvelle, nationale, l'emporte. Sur la butte de Valmy, il y a certes plus de soldats de l'armée royale régulière que de bataillons de volontaires, mais beaucoup de ces soldats sont de jeunes recrues issues du peuple, pour qui le cri de « Vive la Nation ! » a le sens de la liberté. Aussi, les paysans de Lorraine et de Champagne se sont mobilisés et ont livré une inlassable guerre de partisans contre les colonnes prussiennes. De la sorte, les coalisés ont découverts que les Français ne les accueillaient pas en libérateurs, contrairement à ce que les émigrés le leur avaient fait croire.


La bataille de Valmy est ainsi à l'origine du mythe du citoyen en arme qui va fonder la conscription et inaugurer le passage des armées de métiers aux armées de conscription, qui vont se développer tout au long du XIXe siècle.


Mais Valmy est avant tout une victoire symbolique de la Nation. Si la bataille de Bouvines est l’éveil de la Nation française, celle de Valmy en est le passage à la maturité. La Nation y prend tout son sens. Le peuple a en effet pris largement part à la bataille, non plus pour un Roi tuteur, mais pour lui-même, pour sa liberté et pour l’égalité entre ses membres. 

 

A Valmy, le peuple prend conscience de sa force et s’affranchit symboliquement de sa figure tutélaire. A Valmy, ce n’est pas simplement la première victoire de la République, c’est sa naissance.

 

La proclamation, le lendemain – à la nouvelle de la victoire -, de la République par la Convention Nationale n’est ainsi rien d’autre que la traduction juridique de ce qui s’était produit à Valmy la veille.


Présent à la bataille, Goethe affirma – plein de lucidité - : « De ce lieu et de ce jour date une nouvelle époque dans l'histoire du monde ». Il ne s’y était pas trompé, Valmy, ce fut aussi le début d’une longue et périlleuse marche pour la liberté des peuples…
 
Partager cet article
Repost0

commentaires

O
<br /> C'est à se demnader si l'étrange débacle de 1940 n'était pas une revanche de l'aristocratie militaire qui refusa de se battre sous un gouvernement du Front Populaire, représentant plus que jamais<br /> cette République qu'elle n'avait jamais digéré, pour vanger à la fois l'hécatombe de Bouvines où elle paya le prix fort, et l'échec de Valmy et leurs conséquences, la longue et inéluctable éviction<br /> de la monarchie. Cette débâcle qui fut d'autant plus étrange que nous étions les vainqueurs du premier conflit mondial. Et que l'on aille pas chercher des prétextes sur la différence dans la<br /> puissance des armées, ce qui est totalement réfutée par des historiens tout à fait crédibles qui affirment que la puissance de feu étaient similiaire des deux côtés à quelque nuances près.<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> Je dirais pour ma part que la débâcle de 1940 est une revanche de l'aristocratie tout court (au sens large du terme), une aristocratie qui projetta délibéremment de renverser la République (dans<br /> toutes ses dimensions démocratiques et sociales) avec la complicité de puissances étrangères, comme durant la Révolution.<br /> Il suffit de regarder de près l'histoire de la France d'avant guerre et de 1940 pour constater à quel point TOUT a été fait (politiquement et militairement) pour que la France perde cette guerre.<br /> La supériorité fort relative de la puissance de feu nazie n'est que la partie émergée de l'iceberg. Nous avions les moyens militaires pour faire face (même avec un retard dans le réarmement, là<br /> aussi délibérée), mais la stratégie n'a jamais été à la hauteur.<br /> <br /> <br />
N
Dumouriez, Kellermann et le Duc de Brunswick étaient tous franc-maçons et partageaient ensemble les idéaux des Lumières en ces temps là  ....Et il n'y eut que peu d'engagement et peu de pertes à Valmy...Ceci explique peut-être cela...Des leçons à en tirer pour la survie de la France et de tout ce qui a constitué par le passé un modèle pour tous les peuples asservis.
Répondre
N
problème : -ou rentrer dans cette europe pour faire triompher les positions patriotes (tendance DLR de Dupont-Aignant)comparable aux arguments du PSFIO : lutter de l'intérieur pour rendre l'europe sociale ....-ou faire campagne pour la sortie immédiate de la France de cette europe (tendance de l'UPR d' Asselineau)Ce n'est pas du tout pareil !!!!Alors, que faire ????
Répondre
L
<br /> Que faire ? Je pense quant à moi qu'on peut faire, et qu'on doit faire les deux.<br /> <br /> Je ne trouve pas qu'il soit désonorant de participer aux élections européennes. Il est nécessaire qu'au Parlement européen il y ait des gens qui défendent les intérêts de la France. Ne laissons<br /> surtout pas l'UMPS s'adjuger ce monopole !<br /> <br /> Evidemment, il faut sortir de l'idée qu'envoyer de 3 à 50 députés souverainistes à Strasbourg pourrait nous permettre de changer cette Europe. Ca pourra mettre quelques batons dans les trous aux<br /> dirigeants de Bruxelles, ça les empêchera de tourner en rond, mais ça n'ira jamais plus loin. On ne peut pas réformer radicalement l'Europe de l'intérieur.<br /> <br /> Les élections européennes restent en tout cas le meilleur moyen, si les souverainistes sont à l'offensive, de provoquer un véritable débat sur l'Europe dans ce pays. Et qui dit débat, dit recul de<br /> la pensée totalitaire européiste...<br /> <br /> Quoiqu'il en soit, la voie pour rompre avec cette Europe reste plus que jamais à l'intérieur même de nos frontières, par la reconquête de l'Elysée et du Parlement.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
B
Le mensuel « L’Indépendance » est un journal souverainiste de droite. Politiquement, ce journal est proche des idées de Philippe De Villiers. Un des chroniqueurs de ce journal est un militaire, l’amiral Michel Debray.<br />  <br /> Dans le numéro de septembre 2008, page 14, l’amiral Michel Debray écrit une chronique intitulée : « Union sacrée ».<br />  <br /> Cette chronique est d’une très grande importance car elle montre que de plus en plus de souverainistes veulent l’union. Je recopie la fin de cette chronique :<br />  <br /> « L’élection européenne de 2009 approche, il est encore temps mais il n’est que temps de mettre sur pied des listes sur lesquelles figureront, en France, des Français attachés à l’indépendance de leur pays, aux intérêts de ses habitants, et à la liberté pour ceux-ci de choisir le type de société qui leur convient. On aura compris qu’il me paraît nécessaire de voir dans toute la France des listes réunissant tous ceux que préoccupent l’avenir de la France et l’avenir des Français, sans exclusive, des partisans de Philippe De Villiers, de Nicolas Dupont-Aignan, à ceux de Marie-George Buffet, en passant par ceux de Jean-Pierre Chevènement. Qu’à l’Assemblée nationale française, ces gens-là soient sur des bancs différents, c’est normal et souhaitable. Mais qu’à Strasbourg, face aux européistes béats, ils soient ensemble pour défendre l’indispensable souveraineté des états, c’est un devoir impérieux !<br />  <br /> Le danger d’asservissement de notre pays est plus grand que jamais ; il faut contre lui faire l’Union sacrée. Elle s’est réalisée en 1914, il n’y a aucune raison pour qu’elle ne se réalise pas en 2009, mais il faut y travailler ! »
Répondre
L
<br /> "Qu’à l’Assemblée nationale française, ces gens-là soient sur des bancs différents, c’est normal et souhaitable."<br /> <br /> A l'Assemblée nationale aussi, il faut s'unir. Il est essentiel de porter notre voix à Strasbourg pour défendre l'intérêt de la France, mais ce n'est pas là-bas qu'on pourra rompre avec le système<br /> et recouvrer notre liberté. Mais par la reprise en main de nos institutions nationales !<br /> <br /> <br />
N
oui, oui, oui, sur le papier ....voir ce qui se passe à Toulouse avec le ralliement de Mr Tarsac , un prof d'économie qui se situe bien à droite et rien qu'à droite.... Coçnséquence, DLR n'apparait plus que comme un nouveau gropuscule de droite, juste après les rad-socsvoir lbetoulouse arzac-se-lance...On n'est pas sorti de l'ornière et de la dichotomie droite gauche avec de tels chevaux !!!!
Répondre