Ségolène Royal a réussie une nouvelle fois à créer l’hystérie autour d’elle. Elle l’avait déjà fait à propos de l’encadrement militaire des jeunes délinquants, des 35 heures puis de la carte scolaire. A chaque fois le peuple semblait bien la suivre. A chaque fois l’intelligentsia politique, surtout de gauche, lui tomba dessus. « Populiste ! », « démagogue ! » pouvait-on entendre allègrement. Il est tout à fait vrai qu’à chaque fois, et pour commencer, elle ne fait qu’énoncer une idée vague (récupéré par sa vision de la démocratie participative : « mon opinion c’est celle du peuple ») sur laquelle elle peut réunir un vaste consentement. Ségolène aime flatter. Ségolène aime que l’on parle de ses propositions, qu’elles fassent du bruit, qu’elles fracassent tout. Elle a vraiment tout compris à l’utilité de la démagogie en politique. Et puis au final l’encadrement militaire ne devra être qu’ « humanitaire », les 35 heures sont une excellente réforme mais qu’il faut améliorer là où ils posent problème, la carte scolaire doit juste être un peu réformée. Au final donc, beaucoup de bruit pour peu de choses.
Cette fois, la nouvelle proposition choc de Ségolène est l’instauration de jurys populaires qui, tirés au sort parmi les citoyens, auront la charge d’une « surveillance populaire sur la façon dont les élus remplissent leur mandat par rapport à la satisfaction des besoins, ou par rapport au juste diagnostic des difficultés qui se proposent ». A première vue, ça a l’air d’être une idée formidablement novatrice et porteur de grand espoir démocratique. Hop, on met des jurys populaires, les élus ne pourront plus faire de bêtises, et tout le monde sera heureux ! Mais en fin de compte, l’instauration de ces jurys populaires créeraient une vaste confusion au pouvoir. En effet, à quoi serviraient encore d’élire des gens si à côté on en met d’autres, cette fois tirés au sort, qui auraient la charge de dire aux premiers ce qu’ils doivent faire ?!
Le but de Ségolène est pourtant noble. Elle tient à répondre à la crise de confiance entre le peuple et ses gouvernants. Pourtant, ça ne résoudra rien. Si les jurys populaires ont pour tâche de représenter le peuple, qu’est-ce que doit alors représenter les élus ? Les élus sont déjà censés représenter le peuple, et créer des jurys populaires ne feraient que les en éloigner, les considérant alors comme tout simplement… des adversaires politiques ! Imaginez un peu la concurrence que cela créerait ! « Nous représentons le peuple » affirmeront les jurys populaires. « Non, c’est nous qui le représentons ! » répondront quant à eux les « classiques » élus. On créera une vraie concurrence de légitimité. Et puis, le peuple, se sentira-t-il mieux représenter pour autant ?! On peut en douter ! Si on veut connaître l’avis du peuple, qu’on le lui demande (et même qui le donne de lui-même !), sus aux panels, sus aux sondages, sus à la démocratie d’opinion ! C’est illusoire et dangereux de faire croire au peuple que ses intérêts seront mieux défendus par ces jurys populaires ! Il ne doit pas y avoir les institutions du peuple et les institutions des élites. Il ne doit y avoir que des institutions du et par le peuple.
Pour résoudre la crise de confiance, il n’y a pas 36 solutions. Qu’on réforme le système à la base, à la racine. Ce n’est pas avec des pansements que l’on stoppe une hémorragie. Tout doit passer par une meilleure représentativité. Cela passe premièrement par davantage de proportionnelle, des mandats uniques et plus courts et un vrai statut de l’élu. Cela induit également d’aller vers une vraie démocratie participative, avec le droit d’initiative citoyenne, avec l’utilisation plus fréquente du référendum, nationale ou locale. Il faut enfin que les élus gouvernent avec une plus grande clarté et de transparence, si ce n’est déjà le cas pour de nombreux élus locaux. Il faut bien sûr que les élus proposent de vraies idées, de vraies solutions. A quoi sert un élu s’il n’est pas capable de proposer la moindre solution. Les citoyens doivent participer à ce débat, c’est certain. Le peuple n’est pas débile. Mais le peuple attend des politiques qu’ils leur proposent des solutions, pas qu’ils leur en demandent en permanence. Entre proposer et écouter, il y a moyen de trouver un juste milieu. Le peuple a un droit à la parole, mais les politiques ont un devoir de compétence.
Les jurys populaires n’apporteront rien, sinon une démocratie superficielle, une démocratie directe de simple apparence. Sans remettre en cause le système politique dans sa globalité, les jurys populaires n’auront qu’un dessein conflictuel. En tout cas, Ségolène a réussie à déchaîner les passions autour d’elle. La laïcité, sujet bien plus grave que le cas personnel de la Dame du Poitou, est pendant ce temps-là reléguée au second plan, magnifique... Elle n’a presque rien dit, mais elle a réussie à créer un débat sur un sujet aussi important, celui de la démocratie, et c'est très bien. On attend plus qu’elle en dise davantage, et là, ceux qui y avaient vus une mesure révolutionnaire, vont vite déchanter. Elle est d’ailleurs revenue sur l’idée aussi évoquée de téléviser le Conseil des ministres, comprenant que cela était bien dangereux pour le déroulement de celui-ci. Mais démagogie ne rime malheureusement pas avec réflexion…