1 février 2007
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Il ne se trouve aujourd'hui pas un seul parti représenté au Parlement à ne pas se dire républicain. Encore faut-il s'entendre sur la définition du mot «république».
La République du bien commun
Etymologiquement, «république» vient du latin res publica, c'est-à-dire la «chose publique». La République est alors assimilée à l'État législateur, garant de l'intérêt général au-dessus des intérêts particuliers. Cette première définition de la République ne tranche pas sur la nature du détenteur de la souveraineté: un monarque (solution préconisée par Jean Bodin) ou le peuple (solution préconisée par Jean-Jacques Rousseau).
La République des institutions républicaines
Dans le langage commun, la République s'entend au sens du régime républicain, par opposition à la monarchie. Selon cette définition, l'ensemble des partis politiques français aujourd'hui représentés au Parlement sont, effectivement, républicains. L'article 89 de la Constitution française précise d'ailleurs que «la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision».
La République des valeurs républicaines
Lorsqu'elle est synonyme de républicanisme, la République ne s'arrête pas aux institutions et n'est pleinement républicaine que lorsqu'elle est «indivisible, laïque, démocratique et sociale». Ces valeurs, réaffirmées dans l'actuelle Constitution française (et d'ailleurs de moins en moins bien appliqués), sont l'aboutissement et l'héritage de la longue histoire de la République en France depuis 1793. Selon cette définition exigeante de la République, les «républiques républicaines» sont peu nombreuses dans le monde. Beaucoup ne sont en effet pas unitaires (l'Allemagne) ou pas laïques (la Grèce).
Pour bien définir la République, il s'agit donc d'exposer, au moins brièvement pour l'instant, ces valeurs qui la réalisent.
La République indivisible
L'indivisibilité de la République renvoie à l'égalité devant la loi de tous les citoyens (femme ou homme; blanc ou noir ; hétérosexuel ou homosexuel ; athée, juif, chrétien ou musulman), et sur tout le territoire national. Comme le dit Henri Pena-Ruiz, il s'agit de «faire vivre un monde commun à tous par-delà les ³différences², donc de préférer la clarté de l'égalité des droits aux ambiguïtés du ³droit à la différence²».
La République laïque
La séparation des églises et de l'État est une condition de la République laïque, qui assure par ailleurs la liberté de conscience et des cultes (Loi de 1905). La laïcité signifie non seulement la neutralité de l'État mais aussi la non-reconnaissance des religions en tant que telles dans la sphère publique.
La République démocratique
La démocratie républicaine est le «gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple». Ce dernier détient en effet une souveraineté inaliénable et indivisible, qu'il exerce à travers le suffrage universel direct ou indirect. Si la démocratie est une valeur commune aux républicains, son application fait débat entre eux. Le parlementarisme des républicains de gauche (Pierre Mendès-France) s'oppose ainsi à la démocratie directe des républicains gaullistes (exemple: élection du président de la République au suffrage universel direct).
La République sociale
Le caractère social de la République est à la fois un idéal vers lequel elle doit sans cesse tendre et une condition à sa réalisation. Ainsi, pour les républicains «il n'est nullement contradictoire de situer l'égalité des droits au niveau de l'individu et de promouvoir des droits sociaux pour permettre à tout individu d'échapper à l'emprise des rapports de force qui sinon vident les droits personnels de tout contenu effectif» (Mémento Républicain, Editions Mille et Une Nuits, 2006).
Déconstruction républicaine
La perte du sens de la responsabilité collective et du bien commun, avec la montée à la fois de l'individualisme et des revendications identitaires (voire des communautarismes territorial, culturel, religieux ou sexuel), l'émergence d'une «nouvelle laïcité» qui ne conserve de la laïcité que le nom, la négation de la souveraineté démocratique par les transferts de pouvoirs à des instances illégitimes, la remise en cause de l'intervention de l'État et des services publics, instruments pourtant indispensables à la réalisation de la République, constituent autant de facteurs qui participent aujourd'hui à une véritable déconstruction républicaine.
La nation, horizon indépassable de la République ?
Enfin, la construction européenne a façonné un clivage entre d'une part un républicanisme national, pour lequel la nation est le cadre privilégié de l'exercice de la citoyenneté, et d'autre part un républicanisme post-national selon lequel la nation est «une étape qu'il s'agit désormais de dépasser si l'on veut que la citoyenneté puisse recouvrer ses droits» (Patrick Savidan, La République ou l'Europe?, Le Livre de Poche, 2004).
Laurent Pelvey, République !