Le 10 août 1792, une foule de sans-culottes, renforcée de fédérés, s'emparent du palais des Tuileries où étaient assignés à résidence Louis XVI et sa famille. Au terme d'une journée d'intenses combats, ces derniers sont internés. C'est la fin effective d'une monarchie française millénaire, et la naissance d'une République qui ne dit pas encore son nom.
Cette journée historique est l’aboutissement d’une année d’une rupture grandissante entre le roi et le peuple. C’est ainsi que depuis juin 1791 et sa fuite à Varennes qui le discrédite profondément, le roi Louis XVI est assigné à résidence au palais des Tuileries, sous l’étroite « surveillance du peuple » parisien.
Une rupture qui est en passe d’atteindre son paroxysme lorsque, durant l'été 1792, la France s’attend à une inévitable et imminente invasion étrangère, une invasion à laquelle on soupçonne de plus en plus le roi de montrer de la sympathie. Louis XVI espère en effet, secrètement, recouvrir par le glaive étranger son autorité sans partage. Et il n’hésite pas à mettre son veto à un décret permettant la constitution d'un camp de gardes nationaux fédérés pour défendre Paris. Veto que contournera l'assemblée législative en décrétant le 11 juillet « la patrie en danger ».
Le soupçon qui pèse sur Louis XVI devient une certitude quand, le 25 juillet, une déclaration du duc de Brunswick annonce que les Alliés entreront en France pour restaurer l'autorité royale, investiraient militairement l'Assemblée et la ville de Paris au moindre outrage envers le roi. Cette nouvelle, connue à Paris le 1er août, excite la fureur de ses habitants envers la monarchie et les aspirations républicaines des révolutionnaires.
Ainsi, le 5 août, les sections de Paris exigent, sous la menace d'une insurrection populaire, la déchéance du Roi. L'Assemblée refuse de céder.
Une nouvelle « journée révolutionnaire » se prépare alors. Les sans-culottes parisiens, qui ne supportent plus cette monarchie complaisante envers les envahisseurs étrangers, en seront ses artisans.
Le 10 août, à minuit, le tocsin commence à sonner aux clochers de la capitale.
Et dès trois heures du matin, les sans-culottes et les Fédérés se rassemblent à l'Hôtel de ville. Une « commune insurrectionnelle » y est établie, en lieu et place de la municipalité légale.
Ils se dirigent ensuite vers les abords du palais des Tuileries, un palais dont la défense avait été particulièrement bien préparé. Ce sont près de 4000 hommes, gendarmes, gardes suisses et gardes nationaux, qui, en théorie, les attendent de pied ferme.
En théorie car Louis XVI, qui en cette matinée particulière les passe en revue, se rend compte qu’il ne pourra compter sur tous. Si les gardes suisses, fidèles, crient « Vive le roi ! », il n’en va pas de même pour les autres qui crient de leur côté « Vive la Nation ! » voire « A bas le veto ! ». Des bataillons finissent même par tourner leurs canons contre le château et à se placer en position d’attaque.
Face au palais, le roi découvre aussi la foule hostile des Parisiens qui l’accueille sous un tombereau d’insultes. Une foule d’insurgés avec qui fraternisent très vite les gendarmes et une grande partie des gardes nationaux.
Le roi, convaincu alors que la défense du château n’est plus assurable, se résigne, accompagné de la reine et du dauphin, à chercher refuge au sein de l'Assemblée.
Pendant ce temps-là, depuis le bâtiment assailli, les gardes suisses, ses seuls défenseurs, se mettent à tirer sur la foule et abattent plusieurs dizaines d'hommes. La réplique des insurgés ne se fait pas attendre, et la suite est un combat d'une rare violence que gagneront les sans culottes et les soldats ralliés. On comptera ainsi plus d’un millier de morts.
L’Assemblée législative, mise devant le fait accompli, prononce alors la suspension du roi. Elle nomme à la place du gouvernement un Comité exécutif au sein duquel Danton devient Ministre de la Justice. Elle convoque aussi et surtout une « Convention nationale » qu’elle charge de prendre toutes les mesures « pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l'égalité ». Et en vue de son élection, elle instaure pour la première fois le suffrage universel, abolissant le suffrage censitaire et la distinction entre citoyens « actifs » et citoyens « passifs » qui avait cours depuis 1790.
Le lendemain, la famille royale est emmenée au donjon du Temple. Si la monarchie n’existe plus alors dans les faits, il faudra toutefois attendre le 21 septembre suivant pour qu’elle soit abolie et la République officiellement proclamée.