Si la République a déjà vécu de nombreux moments décisifs, il n’est pas à douter que l’Histoire teste aujourd’hui, comme elle le fit hier, l’âme du peuple de France. Si ses vertus et ses qualités de coeur ne sont pas dignes de celles qu’il a reçues en héritage, l’espoir de voir restaurer la grandeur de la nation sera cette fois perdu.
Car l’instant est grave.
En cette année 2007, la République chancelle, le genou à terre, blessée par les nouveaux coups bas de ses ennemis. Excités par le jeu de la mise à mort, ils s’acharnent désormais à lui faire mettre le second genou au sol, sachant trop bien qu’il lui sera difficile de se relever. Ils la couvrent d’insultes, la raillent, la maudissent, la frappent au pieds.
Sa faute ? Impardonnable ! Celle de vouloir trop aimer, celle de vouloir trop donner, celle d’avoir fait du peuple de France le maître de son propre destin. Ce que ces ennemis de la France n’accepteront jamais, c’est que la République se moque des décors, des titres, des parures, des fortunes et des privilèges ; elle aime toutes ses filles et ses fils comme une mère aime ses enfants ; elle les protège, les éduque, leur enseigne les vertus qui font les grands hommes et elle leur explique qu’il ne saurait y avoir de vraie liberté sans égalité ; que la fraternité et la solidarité ne sont pas des mots vides de sens, que la honte ne vient pas d’être faible ou pauvre mais de tourner le dos à ceux que la vie a malmenés.
« Vieille salope ! Catin du pauvre ! »
Depuis 1789, les contre-révolutionnaires n’ont jamais abandonné l’idée de revenir sur les acquis de la Révolution. Leur nouvelle croisade a pour objectif inavoué de détruire la République en la vidant de son sens.
Françaises, Français.
La menace est grande. Laisser faire, c’est remettre en cause tous les principes auxquels nous croyons et pour lesquels des générations de nos Pères se sont battues. C’est enfin donner aux charlatans conservateurs et néo-libéraux, après plus de deux cents ans, la possibilité de créer une société qui tournera totalement le dos à la tradition républicaine, de créer une société inspirée de l’Ancien régime où l’argent aura remplacé les titres et les particules. Le riche sera riche, le pauvre restera pauvre. L’ordre féodal du Moyen-Age sera rétabli.
Alors que nous avions autrefois la liberté d’objecter, de réfléchir et de parler quand nous l’estimions nécessaire, nous avons aujourd’hui des censeurs s’assurant un peu plus chaque jour de notre conformité, de notre soumission et de notre acceptation silencieuse.
Comment cela est-il arrivé ? Qui est responsable ?
Certains le sont évidement plus que d’autres. Mais soyons honnêtes, la vérité est que vous êtes les premiers responsables. Vous avez peur : terrorisme, précarité, émeutes, insécurité ; ces problèmes se jouent de votre raison et de votre bon sens. Les belles promesses, les discours des beaux parleurs néo-libéraux, les incantations mensongères sont sur le point de vous faire craquer. Dans votre panique vous vous apprêtez à donner les rênes de votre pays à un homme dont la taille de l’ego n’a d’égale que le mépris qu’il éprouve pour les petites gens et ces principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité qui ont autrefois fait l’identité, la grandeur et l’envie de votre pays de part le monde.
Mon espoir est de vous rappeler que ces valeurs fondatrices de la République, la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité, la solidarité, sont bien plus que de simples mots gravés en typologies d’autrefois sur les murs de vos vieilles Mairies, de vos écoles délabrées, ou de billets qui ne sont plus en circulation. Ces mots sont plus que des mots. Ce sont des principes fondamentaux qui vous ont été donnés en héritage et dont vous êtes, pour un temps, les dépositaires. Renier ces principes, c’est dilapider un héritage qui n’a jamais véritablement été le vôtre, puisqu’il a toujours été celui de vos enfants et des enfants de vos enfants.
Ces principes sont les points cardinaux de la société française. Une société qui viole les principes sur lesquels elle repose depuis plus de deux cents ans, qui jette à la mer compas, cartes et boussole, est une société qui ne saura plus qui elle est et d’où elle vient. Plus grave encore, c’est une société qui ne sera plus capable de trouver son chemin. En cas de tempête elle doutera de tout et surtout d’elle même, ne sachant ni revenir en arrière ni aller de l’avant. La France doute, essaie de se raccrocher à quelques certitudes. Mais quelles pourraient être ces certitudes lorsqu’on ne se souvient même plus qui on est soi-même ?
Le vieux capitaine est sur le pont, à la manœuvre, accroché au gouvernail. Il essaie bien de diriger le navire mais, sans boussole, sans points cardinaux, sa tâche n’en est que plus difficile. La mer est houleuse, son équipage doute, les passagers du bateau France commencent à paniquer. Mais lui suit son étoile, pâle étoile qui disparaît à l’horizon derrière les nuages. Un de ses officiers, qui a l’insolence de sa jeunesse, essaie bien de lui montrer qu’il a trouvé dans le ciel, une autre étoile à tribord et que celle-ci est bien plus brillante. Mais le vieux capitaine n’écoute pas. Il sait bien qu’on ne change pas de cap aussi aisément en pleine tempête, qui plus est lorsqu’on ne sait pas où on est ; et que ce n’est pas parce qu’une étoile brille plus que les autres qu’elle montre forcément la bonne direction ! Certains passagers, de riches marchands qui ont des biens en cales, s’approchent du jeune officier, l’assurent de leur soutien et le persuadent de prendre la barre pour mettre la cap à tribord, en direction de l’étoile brillante. Le vieux capitaine s’en remettra au reste des passagers qui, dans leur panique, sont maintenant convaincus que l’étoile à tribord est effectivement la plus brillante. « Elle brille ! Elle brille ! » crient-ils en cœur, bras tendus vers le ciel. « Suivons-la ! »
Le bateau France tangue. Les rats ne pouvant quitter le navire, ils font maintenant tout ce qui leur est possible pour mettre la main sur le gouvernail. Dans leur quête toute personnelle, leur poursuite de l’inaccessible étoile, ils sont prêts à mettre en danger navire, hommes et marchandises, lesquels finiront par couler dans les « eaux glacées du calcul égoïste » (Marx).
Ô Peuple de France ! Es-tu à ce point désespéré, ignorant et aveugle que tu es prêt à élire, pour maître, un homme qui n’a pour toi et l’histoire de la nation française que le plus profond dédain ? Dois-tu être devenu fou pour confier ton destin à un charlatan néo-libéral qui utilisera les pouvoirs de l’Etat pour te remettre aux pieds ces fers dont tu t’es défait il n’y a que deux cents ans de cela ? Laisseras-tu une poignée de vicieux ambitieux ruiner le pays et continuer à promouvoir des politiques allant contre l’intérêt de la communauté nationale, ruinant les services publics, l’école républicaine, la justice, le système de protection sociale, la retraite par répartition, l’égalité entre tous les citoyens et citoyennes de la République ?
Le choix qui se pose à toi est un choix fondamental, un choix de société. Car c’est bien de cela dont il s’agit ! Décider si tu es prêt à tourner le dos à cette France que tu aimes et dont tu souhaites à nouveau la grandeur.
Pourquoi ? Parce que son humanisme et son progressisme, qui ont historiquement fait sa grandeur en montrant la voie de la liberté à d’autres peuples, sont précisément détestés par cet homme qui essaie d’avoir ton suffrage.
Nous sommes aujourd’hui engagés dans une nouvelle opération de salut public. Le combat pour la République devra passer par le rassemblement de tous les républicains. La défense des valeurs humanistes et sociales, en lesquelles nous croyons, doit maintenant fédérer toutes les bonnes volontés et rassembler les patriotes au-delà des chapelles et des particularismes. Le jugement sévère et intraitable des historiens du futur ne fera pas de distinction entre les imposteurs néo-libéraux qui auront bradé l’idéal politique et philosophique républicain, et les républicains eux-mêmes qui, par agenouillisme ou couardise auront laissé s’installer une société qui consacrera les inégalités et inféodera toujours plus les citoyens à la puissance des intérêts particuliers.
Françaises, Français, républicains et patriotes, soyons vertueux et courageux, soyons fermes et exigeants : retrouvons la force du combat politique et refondons la République !
Mais ne jouons pas avec les mots ! Il ne s’agit pas aujourd’hui de réinventer, de renouveler ou d’adapter la République comme nombre de petits politiciens ineptes se proposent de le faire. Il s’agit bien au contraire de réaffirmer clairement quelles sont ses valeurs et de se donner les moyens d’aller au bout d’un modèle français trop injustement décrié. Car tel est bien le scandale que nous ne devrons jamais cesser de dénoncer ! Si le bateau France tangue, c’est parce qu’il navigue à vue sans boussole et compas, sans projet, sans certitude, sans espoir, sans liberté, égalité et fraternité. Si le modèle social français souffre c’est parce qu’il n’est plus appliqué depuis longtemps, que la frange la plus riche de la population s’est non seulement désolidarisée du reste du pays mais a aussi décidé, par pure égoïsme, de mettre à bas le contrat social qui lie les Français depuis des générations.
Notre devoir est un devoir de révolte et d’explication. Nous devrons redonner leur sens aux « mots ».
Oui ! La République est plus belle et ambitieuse que la démocratie !
Pourquoi ? Parce que la démocratie n’est qu’une version minimale de la République ! La République sans l’exigence de justice sociale et la recherche continue du bien commun universel n’est pas la République, juste un « mot » vide de son sens, un reniement, un abandon, une trahison.
Vive la République !
Vive La France !
L'Ami du peuple