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28 juillet 2009 2 28 /07 /juillet /2009 17:45

Le 28 juillet 1794, Robespierre ­ mourant ­ est guillotiné. La riche bourgeoisie est satisfaite, les royalistes relèvent la tête, les « terroristes » respirent. La Révolution est, en fait, terminée.

Dans la journée qui suivit l'exécution de Robespierre, la guillotine fonctionna à plein régime. Le 11 thermidor du calendrier révolutionnaire, pas moins de soixante-dix membres de la Commune de Paris ­ tous partisans de Robespierre dûment répertoriés ­ furent exécutés. Ce 28 juillet 1794 constitua ainsi le jour le plus sanglant de la Révolution. Au total, cent six personnes furent les victimes du complot légal perpétré par la coalition des ennemis de l'Incorruptible. Cette coalition était particulièrement hétéroclite. Elle réunissait des révolutionnaires fort modérés représentant la moyenne et la riche bourgeoisie, d'anciens partisans de Danton ou d'Hébert, des représentants en mission « terroriste » sanctionnés par Robespierre pour cause de cruauté ou de prévarication. Cela faisait évidemment beaucoup de monde... Même les « sans-culottes » n'étaient plus aussi favorables à l'Incorruptible et ce à cause du maximum, la fixation autoritaire du salaire. Lorsque ­ après la chute de Robespierre ­ le maximum fut aboli, leur situation se dégrada bien plus...


A la veille du 9 thermidor, Robespierre apparaît comme l'homme le plus puissant de la Révolution. Pourtant, cinq ans auparavant, il était totalement inconnu du peuple parisien. Né le 6 mai 1758 à Arras dans une famille où, de père en fils, l'on est avocat ou procureur, il est à vingt-trois ans avocat inscrit au barreau de Paris. En 1781, il revient à Arras. Huit ans plus tard, le 23 mars 1789, il est élu par le tiers état délégué de cet ordre et, le mois suivant, l'Assemblée artésienne l'élit député du tiers état aux Etats généraux. Là, ses interventions le classent parmi les révolutionnaires les plus décidés. D'ailleurs, il fréquente le club des Jacobins dont il devient peu à peu l'un des éléments moteurs. Les « sans-culottes » le surnomment déjà « l'Incorruptible ». Robespierre est hostile à la guerre (que veulent les Girondins), favorable à la condamnation à mort de Louis XVI : « Louis doit mourir parce qu'il faut que la patrie vive !». Il joue un rôle décisif fin mai début juin 1793 lors de l'affrontement entre les Girondins, maîtres de la Convention nationale, et le peuple de Paris. Le 2 juin, sous la menace des canons de Hanriot, le commandant en chef de la Garde nationale, la Convention vote l'arrestation de vingt-neuf députés et de deux ministres girondins. Les « Montagnards », la gauche de la Convention, dirigent désormais le pays. Le 28 juillet 1793, Robespierre entre au Comité de salut public, l'instance exécutive majeure de la Révolution. Son influence devient prépondérante. Le 24 mars 1794, Hébert et sa faction d'extrémistes sont exécutés. Un coup à gauche. Le 5 avril, c'est le tour de Danton et des « Indulgents ». Un coup à droite. Robespierre apparaît alors comme le maître de l'heure.


Description de l'homme le plus puissant de France par l'historien Louis Saurel : « De petite taille, maigre, mais bien proportionné, Maximilien avait une silhouette élégante que soulignait sa mise toujours très soignée. Le visage, rasé avec soin, était décharné ; le menton et les pommettes très saillants lui composaient un visage de chat au teint pâle, légèrement verdâtre, comme celui « d'un malade ou d'un homme usé par les méditations et les veilles ». Ses cheveux châtain foncé, rejetés en arrière et floconnant sur les tempes, mettaient en valeur son grand front, légèrement fuyant. Selon la mode en usage avant la Révolution, Robespierre se poudrait soigneusement la chevelure ». L'Incorruptible avait des problèmes de vue : « Il avait de grands yeux gris vert au regard vif, qu'il protégeait au moyen de lunettes vertes. Son nez presque droit, mais relevé à l'extrémité, avait une arête large et de fortes narines ». La Révolution mettait fortement à contribution ses enfants : « Vers la fin de sa vie, son apparence physique révéla son surmenage, la tension intérieure qui le minait : des tiraillements convulsifs agitaient son visage, il serrait souvent les poings, le sourire avait presque disparu de sa face aux traits soucieux, aux regards méfiants ou menaçants ». L'homme était timide, hypersensible, animé d'une passion froide et passablement susceptible, ce qui lui aliénait bien des sympathies. Il vivait en ascète, mangeait à peine, ne buvait presque pas, détestait l'argent. Il méritait bien son surnom. Son rapport à la violence était assez complexe : il en réprouvait les excès, d'où son horreur des représentants en mission « terroriste » qui avaient mis à feu et à sang Nantes ou Lyon (Carrier, Fouché, etc.). Mais quand la manière forte lui semblait absolument nécessaire, il n'hésitait pas à y avoir recours. Enfin, sa sincérité ne pouvait être mise en cause. On pouvait le croire et d'ailleurs on le croyait lorsqu'il affirmait : « Une révolution qui n'a pas pour but d'améliorer profondément le sort du peuple n'est qu'un crime remplaçant un autre crime ».


Le 16 prairial de l'an II ­ le 4 juin 1794 ­ Robespierre est élu à l'unanimité des 485 députés président de la Convention nationale. Sous la Ire République, le mandat des présidents est de quinze jours ! Mais cette unanimité n'est pas bon signe. Il n'y a plus d'opposition... apparente. Le Comité de salut public exerce un pouvoir sans partage, la Convention vote tout ce qu'il lui demande... L'exécution de Danton ou d'Hébert et de leurs amis est encore dans tous les esprits. Avec lucidité, Saint-Just, ami de Robespierre, constate : « La Révolution est glacée, tous les principes sont affaiblis, il ne reste que les bonnets rouges portés par l'intrigue. L'exercice de la Terreur a blasé le crime comme les liqueurs fortes blasent le palais ». Quatre jours après son élection à la présidence de la Convention, Robespierre conduit la procession de la première fête de l'Être suprême. Un mois auparavant, l'Incorruptible avait fait adopter par la Convention le décret suivant : « Le peuple français reconnaît l'existence de l'Être suprême et l'immortalité de l'âme ». Cette fête de l'Être suprême avait suscité des réactions diverses... Robespierre avait heurté le courant athée sans pour autant satisfaire les chrétiens. Nombre de Conventionnels avaient cru percevoir dans cette initiative une volonté de pouvoir personnel.


Le malaise ambiant ne pouvait que croître deux jours plus tard lorsque Couthon, autre ami de Robespierre, avait fait voter la célèbre loi du 22 prairial concernant les « ennemis du peuple ». Sont réputés ennemis du peuple ceux qui auront « provoqué le rétablissement de la royauté..., cherché à avilir ou dissoudre la Convention nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain dont elle est le centre ». Mais aussi ceux qui auront cherché « à dépraver les moeurs, à altérer la pureté et l'énergie des principes révolutionnaires... ». Ce texte avait de quoi inquiéter à peu près tout le monde. Il est vrai que les armées de la Révolution étaient à la peine, le pays toujours menacé par l'Europe monarchique. Au plan intérieur, cette loi visait selon toute vraisemblance quelque 300 000 propriétaires terriens opposés à la Révolution ou soupçonnés de l'être dont les terres pourraient ensuite être distribuées aux plus pauvres... En tous les cas, l'on assista à une aggravation de la Terreur. Jusqu'en juin 1794, le Tribunal révolutionnaire de Paris avait ordonné 1251 exécutions. Du 10 juin au 27 juillet, 1376 personnes furent exécutées. Fouquier-Tinville, son grand homme, déclara : « Les têtes tombaient comme des ardoises ». Le peuple eut « la nausée de l'échafaud ». Pendant ce temps, l'on conspire. Se retrouvent dans une même aversion pour Robespierre des hommes sanguinaires ou corrompus, anciens représentants en mission tels que Tallien ou Fouché, Fréron ou Barras, des anciens dantonistes, quelques hébertistes rescapés. Tout ce petit monde complote et met à profit les inquiétudes des députés de la Plaine ou du Marais qui constituent l'immense majorité de la Convention. Ajoutons à cela que le Comité de salut public ne comprend pas que des partisans de Robespierre et que le Comité de sûreté générale lui est majoritairement défavorable.


Le 8 thermidor, Robespierre prend la parole à la Convention d'où il a été absent plusieurs semaines durant. Discours très offensif qu'il conclut en ces termes : « Disons qu'il existe une conspiration contre la liberté publique ; qu'elle doit sa force à une coalition criminelle qui intrigue au sein même de la Convention ; que cette coalition a des complices dans le Comité de sûreté générale et dans les bureaux de ce Comité qu'ils dominent ; que les ennemis de la République ont opposé ce Comité au Comité de salut public et constitué ainsi deux gouvernements ; que des membres du Comité de salut public entrent dans ce complot ; que la coalition ainsi formée cherche à perdre les patriotes et la patrie ». Robespierre conteste avec force l'accusation de dictature : « Ils m'appellent tyran. Si je l'étais, ils ramperaient à mes pieds. Je les gorgerais d'or, je leur assurerais le droit de commettre des crimes, et ils seraient reconnaissants (...). Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner. Le temps n'est point arrivé où les hommes de bien peuvent servir impunément la patrie : les défenseurs de la liberté ne seront que des proscrits, tant que la horde des fripons dominera ». D'abord follement acclamé, l'Incorruptible est ensuite pris à partie, désavoué. Surtout, il lui est demandé de désigner nommément ceux qu'il dénonce, ce qui, naturellement, rassurerait tous les autres. Robespierre s'y refuse : erreur fatale. Le soir même, il se rend au club des Jacobins. Robespierre lit à nouveau son discours. Enthousiasme des Jacobins. Vers minuit, assuré de son pouvoir, Robespierre rentre tranquillement chez lui. Pendant qu'il dort, Fouché, lui, agit, tisse les ultimes fils de la conspiration. Le lendemain, vers midi, Saint-Just monte à la tribune de la Convention. Il est immédiatement interrompu par Tallien. Billaud-Varenne relaie celui-ci dans ses accusations contre la « tyrannie » de Robespierre. Robespierre tente d'intervenir. Vacarme, insultes. Finalement, Robespierre, Saint-Just, Couthon et le frère de Robespierre sont arrêtés, emprisonnés. La Convention a également voté l'arrestation du président du Tribunal révolutionnaire, Dumas, et du commandant en chef de la Garde nationale, Hanriot. En quelques heures, la Révolution va basculer. D'abord, la Commune de Paris passe à l'insurrection et délivre les prisonniers qui se réfugient à l'Hôtel de Ville. Mais Hanriot n'arrive qu'à rallier une minorité de sections parisiennes. Robespierre semble frappé de léthargie : croit-il vraiment que la Convention va changer d'avis, solliciter son pardon ? En tous les cas, il n'en est rien. Barras, chargé par la Convention de rassembler les sections les plus modérées, encercle l'Hôtel de Ville dans la nuit du 9 au 10 thermidor. Robespierre est capturé, la mâchoire fracassée (tentative de suicide ou coup de pistolet du gendarme de dix-neuf ans, Merda ?) avec le dernier carré de ses partisans. Le 28 juillet, à cinq heures et demie de l'après-midi, on fait monter vingt-deux condamnés à mort dans trois charrettes. Pour se rendre du palais de justice à la place de la Révolution, le cortège mettra une heure et demie. Robespierre le jeune et Couthon sont mourants, l'Incorruptible est presque aussi mal en point. Sur leur passage, des « personnes de la meilleure classe » manifestent bruyamment leur joie. Dans les faubourgs ouvriers, les gens sont restés chez eux : « Les faubourgs boudaient mais ne bougeaient pas ». Au terme du voyage, à vingt-deux reprises, le couteau de la guillotine s'abat...


C'est la fin de la Terreur ? C'est surtout la fin de la Révolution. L'historien Louis Saurel énumère les cinq effets majeurs de la chute de Robespierre : le retour au pouvoir de la bourgeoisie d'affaires ; la fin de la République démocratique et égalitaire avec, entre autres, le remplacement du suffrage universel par le suffrage censitaire ; la fin de la surveillance du commerce et de l'industrie par l'État ; la résurrection du parti royaliste ; le glissement vers le césarisme : Bonaparte est dans l'antichambre du pouvoir...



Article écrit par Edouard BOEGLIN, paru le 28 juillet 1999 dans le journal L'Alsace / Le Pays
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13 juillet 2009 1 13 /07 /juillet /2009 22:00


Consacré fête nationale de notre pays depuis 1880, le 14 juillet entend commémorer à la fois la Prise de la Bastille et la Fête de la Fédération.


La prise de la Bastille

Le 14 juillet 1789, la Bastille, symbole de la tyrannie monarchique, est prise d'assaut par les Parisiens. De ce jour date communément la fin de l'Ancien Régime et le début de la Révolution française.


Quelques semaines plus tôt, les Etats Généraux, répondant à la convocation du roi Louis XVI, se sont réunis à Versailles. Au lieu d'une simple réforme de l'impôt, les députés du Tiers-Etat, soutenus par quelques députés du clergé mais aussi et surtout par un peuple plein d'espoir, veulent, quant à eux, réformer profondément l'Etat. Ils se jurent même, lors du Serment du jeu de Paume, de ne pas se séparer avant de donner une Constitution à la France. Le 9 juillet, l'assemblée réunie à Versailles se proclame ainsi « Assemblée Nationale Constituante ».

Mais Louis XVI fait mine de céder à cette révolution politique qui se prépare. Dès le 26 juin, il fait ainsi venir des troupes (20 000 hommes de régiments étrangers) sur Paris. Il renvoie également ses ministres jugés trop libéraux, parmi lesquels le très populaire Jacques Necker, contrôleur des Finances, renvoyé le 12 juillet.

La nouvelle, connue à Paris le lendemain, exacerbe encore un peu plus la colère des parisiens affamés et en quête de liberté, alors que se répand une rumeur prétendant que les troupes du roi vont entrer dans la capitale pour arrêter les députés. Le journaliste Camille Desmoulins, considérant le renvoi de Necker comme une attaque contre le peuple, exhorte ainsi la foule à se mettre en état de défense.


Pris de panique, le peuple parisien cherche alors à s'armer pour se défendre, alors que dans le même temps une « municipalité insurrectionnelle » est formée à la hâte pour organiser la défense de la ville.


Le lendemain matin, le 14 juillet, une foule composée notamment d’artisans et de commerçants se rend à l'hôtel des Invalides en quête d'armes. Le gouverneur cède et ouvre les portes,  permettant à la foule d’emporter 28.000 fusils et 20 bouches à feu.


Reste à trouver la poudre.


La rumeur prétend qu’il y en aurait d’entreposé à la Bastille, une vieille forteresse médiévale, symbole par ailleurs de l’arbitraire royal. « A la Bastille ! » tonnent les émeutiers. Mais sans commandement ni armes lourdes, aussi nombreux puissent-ils être - sans doute un millier -, ils ne font pas le poids face à la garnison de la forteresse composée de 82 vétérans - dits « invalides » -, et de 32 gardes suisses.


Le gouverneur de la Bastille, le marquis de Launay, cherche quant à lui à éviter l'affrontement en attendant les secours. Il essaie de gagner du temps et reçoit ainsi trois délégués de la municipalité insurrectionnelle, qu’il retient à déjeuner. Il s'engage auprès d’eux à ne pas ouvrir le feu à la condition que les émeutiers ne tentent pas d'entrer dans la forteresse.


Mais, soudain, une explosion mystérieuse excite une foule qui croit et crie à la trahison. Un groupe d’émeutiers choisit alors de pénétrer dans l'enceinte par le toit du corps de garde, attaquant à coups de hache les chaînes du pont-levis.


Dépourvu d’expérience, de Launay perd ses moyens et donne l'ordre de tirer. La garde suisse fait ainsi un carnage chez les assaillants, parmi lesquels on compte une centaine de morts.

Le combat semble perdu pour les émeutiers quand arrivent à leur secours deux détachements de « gardes françaises ». Ces soldats professionnels chargés de défendre la capitale prennent, à la consternation des défenseurs de la forteresse, le parti des émeutiers.

Tout bascule alors.


Les gardes françaises, sous le commandement de deux officiers, Elie et Hulin, amènent cinq canons et les pointent sur la Bastille. Un début d'incendie s’ensuit à l'entrée de la forteresse, faisant quelques pertes chez les défenseurs.


A 16 heures, jouant le tout pour le tour, de Launay ordonne le feu à outrance puis tente de faire sauter les magasins de poudre. Mais ses « invalides » lui imposent de se raviser et de brandir un mouchoir pour parlementer.


Le feu cesse alors, et la garnison de la Bastille finit par capituler.


Après que les ponts-levés aient été abaissés, la foule furibonde se rue alors dans la forteresse. Elle s’empare de la poudre qu’elle était venu chercher, et libère les détenus. A sa surprise, elle  n’y trouve qu’une poignée de faussaires, un fou et un noble incestueux. Elle est aussi étonnée de découvrir des chambres spacieuses et d'un grand confort, loin de l’image infâmante et misérable qu’ont pu en donner ceux qui avaient eu, comme Voltaire ou le marquis de Sade, la malchance d’y séjourner.


Quant à la garnison, elle est faite prisonnière à l’hôtel de ville, à l’exception de quelques invalides et du marquis de Launay qui sont lynchés puis massacrés dans les rues de la capitale. Ce dernier sera décapité et sa tête plantée sur une pique et promenée en triomphe à travers les quartiers de la capitale.


Prenant la mesure de l’événement, le propre frère du roi, le comte d'Artois, futur Charles X, quitte aussitôt la France. Il est suivi dans cette première vague d'émigration par quelques autres hauts personnages, dont le prince de Condé et Mme de Polignac.


Le lendemain, à Versailles, au moment de son réveil, le duc de Rochefoucauld-Liancourt informe Louis XVI de la prise de la Bastille. Le dialogue suivant aurait eu lieu :


« C'est une révolte ? » demande Louis XVI.
« Non sire, ce n'est pas une révolte, c'est une révolution. » répond le duc de La Rochefoucauld.

Abasourdi, le roi se retient de dissoudre l'Assemblée. Les députés, quant à eux, décident de siéger en permanence. La Révolution, affermie par cette victoire populaire inédite, peut alors suivre son cours.
 

La fête de la Fédération


Le 14 juillet 1790, à Paris, les Français commémorent en grande pompe le premier anniversaire de la prise de la Bastille, sous le sceau de l'unité et de la réconciliation.


Depuis le début de l'année, déjà, souvent à l’initiative des gardes nationaux, des fêtes civiques s’organisent ici et là, scellant des pactes d’union entre villes, citoyens, allant jusqu’à fonder des « fédérations ». On voit ainsi des habitants de lieux voisins se réunir spontanément, déclarant se rallier à la Révolution et abandonner leurs particularismes pour se fondre symboliquement dans l'unité nationale. A Pontivy notamment, le serment suivant est adopté entre citoyens de Bretagne et d'Anjou : « Nous, Français Citoyens de la Bretagne et de l'Anjou [...]. Nous déclarons solennellement que n'étant ni Bretons ni Angevins, mais Français et Citoyens du même empire, nous renonçons à tous nos privilèges locaux et particuliers. » 


Ces fêtes finissent par inspirer aux députés de l'Assemblée, ainsi qu'au marquis de La Fayette, l'idée d'une grande fête d'union nationale, réunissant les délégués des fédérations, les fédérés.


Celle-ci est alors est fixé au 14 juillet, dans un esprit de réconciliation autour de la Révolution.


Tôt le matin du 14 juillet 1790, une vaste foule se rassemble à la Bastille et part en cortège vers le Champ-de-Mars. Le défilé dure toute la matinée. Il comprend des soldats de la garde nationale parisienne, des artisans, des compagnons, mais aussi les fameux fédérés, venus de tout le royaume.

Arrivé au Champ-de-Mars, le cortège peut prendre place dans les tribunes disposées sur les côtés de l’esplanade. On compte 250 000 spectateurs, sans compter la centaine de milliers de fédérés, rangés sous les bannières de leur département.


Sous une haute tente, à une extrémité du Champ-de-Mars, une tribune royale est installée. À l'autre extrémité, un arc de triomphe. Au centre de l'esplanade, Talleyrand, évêque d'Autun, célèbre la messe sur l' « autel de la patrie », entouré de 300 prêtres portant des écharpes tricolores sur leurs aubes blanches. Le service terminé, on bénit les oriflammes et les bannières des départements.


Vient ensuite la prestation de serment. La Fayette, commandant de la garde nationale, le prononce le premier : « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l'intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu'elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité ».


Puis c’est au tour du président de l'Assemblée de prêter serment au nom des députés et des électeurs. Dans le bruit des canons qui tonnent et des tambours qui roulent, la foule crie avec les députés : « Nous le jurons. »


Enfin, le roi prête à son tour serment de fidélité : « Moi, roi des Français, je jure d'employer le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'État, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois ». Instant de recueillement et de communion nationale, avant que la foule exulte et acclame le roi. Avant de conclure la cérémonie, un Te Deum est entonné. Puis la foule se sépare au milieu des embrassements et des vivats dont beaucoup s'adressent à Louis XVI.


Dans toute la France, la même fête se déroule. A midi, les cloches retentissent partout. Les habitants se réunissent, prêtent serment, prient, puis chantent et dansent autour des arbres de la liberté.

La fête nationale

La commémoration du 14 juillet 1789 fut ensuite abandonnée jusqu'à ce que la IIIe République, notamment Gambetta, chercha à célébrer les fondements du régime.


Ainsi, le 21 mai 1880, Benjamin Raspail dépose la loi faisant du 14 juillet la fête nationale annuelle en commémoration de la prise de la Bastille et de la fête de la Fédération. Cette loi, signée par 64 députés, est adoptée par l'Assemblée le 8 juin et par le Sénat le 29 juin. Elle est promulguée le 6 juillet 1880.


Henri Martin, président de séance, précisa bien que ce sont les deux dates qui sont commémorées : « Mais n'oubliez pas que, derrière ce 14 juillet, où la victoire de l'ère nouvelle sur l'ancien régime fut achetée par une lutte armée, n'oubliez pas qu'après la journée du 14 juillet 1789 il y a eu la journée du 14 juillet 1790. Cette journée-là, vous ne lui reprocherez pas d'avoir versé une goutte de sang, d'avoir jeté la division à un degré quelconque dans le pays, Elle a été la consécration de l'unité de la France. Oui, elle a consacré ce que l'ancienne royauté avait préparé. »


L'accent fut mis, dès le début, sur le caractère patriotique et militaire de la manifestation, afin de témoigner du redressement de la France après la défaite de 1870. Traditionnellement, la fête débute par une retraite aux flambeaux le 13 au soir. Puis, le lendemain, les cloches des églises ou les salves annoncent le défilé, suivi d'un déjeuner, de spectacles et de jeux. Enfin, les bals et feux d'artifice terminent la journée.

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