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21 septembre 2008 7 21 /09 /septembre /2008 01:25

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Le 21 septembre 1792, la Convention Nationale proclame la République, conséquence logique de l’insurrection du 10 août et de la toute récente victoire de Valmy.

Assigné à résidence au palais des Tuileries depuis juin 1791 et sa fuite à Varennes, le Roi Louis XVI rendait chaque jour la monarchie de plus en plus impopulaire

La menace, durant l’été 1792, d’une inévitable et imminente invasion étrangère, à laquelle on soupçonnait de plus en plus le Roi de montrer de la sympathie, allait mettre le feu aux poudres. 

Le 10 août, une foule de sans-culottes, renforcée de fédérés, s'empara du palais des Tuileries où étaient assignés à résidence Louis XVI et sa famille. Au terme d'une journée d'intenses combats, ces derniers furent internés. L’Assemblée législative concrétisa son issue en prononçant la suspension du Roi. Ce fut la fin effective de la monarchie.

Restait à confirmer la nature du futur régime. L’Assemblée législative vota dans cette optique un décret demandant l'élection au suffrage universel (masculin) d'une « Convention nationale » qui prendrait toutes les mesures « pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l'égalité » et ainsi décider des nouvelles institutions du pays.

Les élections eurent lieu en septembre alors même que les Prussiens s’avançaient à grand pas vers Paris. La participation des électeurs fut très faible, et c’est une Convention nationale à forte tonalité « bourgeoise » et peu favorable à la royauté qui sortit des urnes.

C’est le 20 septembre 1792, le jour même où se déroula à Valmy une bataille décisive, que la Convention nationale se réunit pour la première fois. Son issue, annoncée le lendemain, conforta considérablement les aspirations républicaines des députés.

Lorsque Jean-Marie Collot d'Herbois, député de Paris, proposa l'abolition de la royauté et la proclamation de la République, il ne rencontra guère de résistance, tout au plus celle de Claude Basire, un ami de Danton, qui s'efforça de tempérer l'enthousiasme en recommandant une discussion. Mais l'abbé Henri Grégoire, l'évêque constitutionnel de Blois lui répondit vertement : « Qu'est-il besoin de discuter quand tout le monde est d'accord ? Les rois sont dans l'ordre moral ce que les monstres sont dans l'ordre physique. Les Cours sont l'atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans. L'histoire des rois est le martyrologue des nations ! ». Jean-François Ducos l'appuya en affirmant que toute explication serait bien inutile « après les lumières répandues le 10 août ».

Cette argumentation sommaire servit de débat, et la décision fut prise à l'unanimité : la royauté fut abolie, la République proclamée. La Convention nationale ne fit en effet qu’achever et concrétiser sur le plan juridique ce que la mobilisation populaire, ce que le peuple en armes avait bâti.

Le 22, la Convention nationale, pour marquer le début d’une nouvelle ère, décida désormais de dater les actes officiels non plus de l'an IV de la Liberté mais de l'an I de la République, jetant les bases de ce qui sera le calendrier républicain.

Le 25, sur la proposition de Couthon, elle vota, à l’unanimité, le fameux décret proclamant que « la République est une et indivisible ».

Aussi, la royauté étant abolie, les députés prêtent désormais le serment de fidélité, non plus au Roi, mais à la Nation :

« Au nom de la Nation,
je jure de maintenir

la liberté et l'égalité
ou de mourir à mon poste »

Enfin, si la Convention nationale sort unanime de ces premiers jours de débat, il n’en sera plus de même quant à la question du sort à réserver au Roi, première et épineuse tâche à résoudre pour la toute jeune République…

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19 septembre 2008 5 19 /09 /septembre /2008 22:14

La Bataille de Valmy
Jean-Baptiste Mauzaisse (1784-1844)



Le 20 septembre 1792, devant le moulin de Valmy, une armée française formée à la hâte repousse la puissante armée prussienne. Simple canonnade, l’issue victorieuse de cette bataille n’en est pas moins décisive : l’invasion étrangère est stoppée, la restauration monarchique - de fait - écartée. Cette bataille symbolise aussi l’avènement de la Nation républicaine.

Depuis l'arrestation de Louis XVI à Varennes en juin 1791, les monarques d'Europe s’étaient pourtant bien décidés à agir pour le maintien de l’ordre monarchique et contre la menace d'une contagion révolutionnaire. Ainsi, le 27 août 1791, la déclaration signée à Pillnitz par la Prusse et l'Autriche menaçaient les Français d'une intervention armée. A Paris, les députés girondins, derrière Brissot, plaidaient pour la guerre: selon eux, il fallait prendre de court la contre-révolution pour obliger le Roi à choisir son camp et libérer les peuples opprimés d'Europe.


Le 20 avril 1792, malgré une rude opposition - notamment celle de Robespierre -, l'Assemblée déclarait la guerre au « roi de Bohême et de Hongrie ». Mais la guerre tourna très vite au fiasco, au point qu’à l’été l’invasion du territoire paraissait inévitable. Le 11 juillet, dans le fracas des armes, les députés déclarent la « la Patrie en danger » et organisent la levée des volontaires.


Dans la peur d'une attaque prussienne sur Paris avec la complicité du roi – ce que confirme une déclaration du duc de Brunswick (datée du 25 juillet et connue à Paris le 1er août), annonçant que les Alliés entreraient en France pour restaurer l'autorité royale, investiraient militairement l'Assemblée et la ville de Paris au moindre outrage envers le roi - les sans-culottes se soulèvent: le 10 août, la monarchie est renversée. C'est alors au nom d’une République – qui ne dit pas encore son nom -, et de sa liberté que le peuple en armes va faire face au péril extérieur.

Le 18 août, une armée de 150 000 hommes, autrichiens et prussiens, entrent en France. Face à eux, l’armée française est alors une armée complètement désorganisée par le départ des officiers issus de la noblesse.

Le duc de Brunswick, à la tête des troupes prussiennes, prend Longwy le 23 août et Verdun le 3 septembre, ce qui lui ouvre la route de Paris. C’est alors qu’en Champagne, les généraux Dumouriez et Kellermann, fraîchement nommés, arment des volontaires – des « sans culottes » - à la hâte. Composées aussi de soldats professionnels, leurs armées choisissent de se rendre sur le plateau de Valmy, un village de la Marne, afin de tenter de stopper la progression des Prussiens.


Le 20 septembre 1792, sur une route qui, longeant l’Argonne, va de Grandpré à Châlons, l’avant-garde de l’armée prussienne surgit du brouillard. Il est sept heures du matin, le jour se lève à peine, et il pleut à verse, comme il a plu les jours précédents.

Cette armée arrive en vue d'une butte surmontée d'un moulin, près du village de Valmy. Les Prussiens y aperçoivent les troupes françaises de Kellermann, venues de Metz. Plus loin derrière, ils aperçoivent celles de Dumouriez, venues de Sedan. Elles totalisent près de 47 000 hommes au total: des soldats issus de l’armée royale, à la tête desquels on peut trouver des aristocrates - tel le duc de Chartres, futur Louis-Philippe -, et trois bataillons de volontaires qui avaient répondu à l'appel de l'Assemblée pour sauver « la Patrie en danger ».


Face à eux, 34 000 soldats prussiens sont là. Ils forment une armée réputée pour sa discipline et pour son efficacité. Ils sont secondés par les troupes autrichiennes (30 000 hommes) et par celles des royalistes émigrés (au nombre de 6 000), positionnés un peu plus au nord. A première vue, l’issue de la bataille ne semble pas faire de doute, bien que les Prussiens, harassés par une marche pénible, harcelé en route par des groupes de paysans français en armes, et décimée par la dysenterie, peuvent partir affaiblis.

Brunswick commence par faire donner son artillerie: 54 canons crachent boulets et mitraille. Le bombardement est violent, mais les pertes ennemies sont faibles. Mieux, l’artillerie française riposte vigoureusement. Mais le feu nourri et continu finit dans l’après-midi, alors que les Prussiens s’apprêtent à passer à l’offensive, par provoquer un flottement dans les rangs français.

Kellermann, pour interdire toute panique, se précipite en tête des lignes, les fait mettre en colonnes comme s'il allait ordonner l'attaque, puis brandit au bout du sabre son chapeau orné d'un plumet tricolore et crie: « Vive la Nation ! ». De bataillon en bataillon, le mot d'ordre est repris par des milliers de poitrines, et est répété par les soldats galvanisés à mesure que la canonnade repousse les Prussiens. Retrouvant vaillance et courage, ils entonnent le fameux Chant des Marseillais (qui deviendra La Marseillaise), qui proclame le sens de leur combat.

L'ardeur retrouvée des Français surprend et déconcerte leurs adversaires. Alors qu’ils s’attendaient à une débandade de la part des sans-culottes indisciplinés, leur résistance est des plus farouches. « Sur cette toute jeune armée planait quelque chose, comme une lueur héroïque », écrira plus tard Michelet.


A seize heures, Brunswick doit se résoudre : il ordonne à ses troupes de se replier. Le lendemain, elles battent déjà en retraite vers la frontière.


Simple canonnade - il n’y aura pas plus de 500 morts -, l’issue de la bataille de Valmy n’en est pas moins une victoire décisive pour la Révolution et la toute jeune République : la première victoire des armées révolutionnaires stoppe l’invasion étrangère, écartant de fait toute possibilité de restauration monarchique. Entérinant au nez et à la barbe des coalisés européens l'insurrection parisienne du 10 août précédent, elle donne ainsi à la Révolution un caractère incontournable, inéluctable.


Valmy est aussi la victoire morale de la démocratie en armes, de la mobilisation populaire. Face à une armée de métier dressée à une discipline de fer, une armée nouvelle, nationale, l'emporte. Sur la butte de Valmy, il y a certes plus de soldats de l'armée royale régulière que de bataillons de volontaires, mais beaucoup de ces soldats sont de jeunes recrues issues du peuple, pour qui le cri de « Vive la Nation ! » a le sens de la liberté. Aussi, les paysans de Lorraine et de Champagne se sont mobilisés et ont livré une inlassable guerre de partisans contre les colonnes prussiennes. De la sorte, les coalisés ont découverts que les Français ne les accueillaient pas en libérateurs, contrairement à ce que les émigrés le leur avaient fait croire.


La bataille de Valmy est ainsi à l'origine du mythe du citoyen en arme qui va fonder la conscription et inaugurer le passage des armées de métiers aux armées de conscription, qui vont se développer tout au long du XIXe siècle.


Mais Valmy est avant tout une victoire symbolique de la Nation. Si la bataille de Bouvines est l’éveil de la Nation française, celle de Valmy en est le passage à la maturité. La Nation y prend tout son sens. Le peuple a en effet pris largement part à la bataille, non plus pour un Roi tuteur, mais pour lui-même, pour sa liberté et pour l’égalité entre ses membres. 

 

A Valmy, le peuple prend conscience de sa force et s’affranchit symboliquement de sa figure tutélaire. A Valmy, ce n’est pas simplement la première victoire de la République, c’est sa naissance.

 

La proclamation, le lendemain – à la nouvelle de la victoire -, de la République par la Convention Nationale n’est ainsi rien d’autre que la traduction juridique de ce qui s’était produit à Valmy la veille.


Présent à la bataille, Goethe affirma – plein de lucidité - : « De ce lieu et de ce jour date une nouvelle époque dans l'histoire du monde ». Il ne s’y était pas trompé, Valmy, ce fut aussi le début d’une longue et périlleuse marche pour la liberté des peuples…
 
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